La lignée Kagyu

Document compilé et traduit en 1994 par des membres du département de traduction de l’institut bouddhiste international du Karmapa (K.I.B.I.)

Contexte historique

Le Bouddha historique Shakyamuni a donné plusieurs sortes d’enseignements afin de s’adapter aux différentes capacités des êtres. Tous ces enseignements sont inclus dans le Sutrayana et le Tantrayana. Même si le Bouddha n’a donné que des enseignements oraux, ses premiers disciples les ont consignés par écrit et transmis ainsi dans leur forme originale. Des maîtres bouddhistes accomplis ont également écrit de nombreux traités qui expliquent le sens des enseignements du Bouddha il est très important d’insister sur la transmission authentique et précise des enseignements. À travers les siècles, différentes lignées de transmission, chacune avec ses propres caractéristiques, apparurent.

Le bouddhisme au Tibet inclut tous les enseignements qui proviennent de l’Inde. Grâce aux efforts des traducteurs tibétains et des maîtres indiens, le corpus complet des enseignements bouddhistes a été traduit en tibétain. De cette manière, le bouddhisme a crû au Tibet jusqu’au milieu du 20e siècle.

Au 8e siècle, le roi tibétain Trisong Detsen invita deux maîtres bouddhistes, Guru Rinpoché et Shantarakshita, au Tibet. En même temps, le roi fit commencer la traduction d’importants textes bouddhistes en tibétain. Cette activité précoce d’enseignement et de traduction donna naissance à la tradition nyingma, la « vieille tradition ». Les enseignements de la tradition nyingma s’appuient sur les textes de cette première période de traduction. Pendant le 11e siècle, une seconde période de traduction prit place, qui impliquait tant la révision de la première terminologie que de nouvelles traductions. Les traditions qui appuient leur transmission sur cette période sont désignées sous le nom de traditions sarma, les « nouvelles traditions ». Parmi celles-ci, les traditions kagyü, sakya et gelug sont les plus célèbres.

La tradition kagyü a été introduite au Tibet par Marpa le Traducteur (1012-1097), qui insistait sur quatre transmissions spéciales qui remontent au siddha indien Tilopa et à d’autres maîtres indiens de la lignée du Mahamudra.

La tradition sakya a été fondée par Khön Könchog Gyalpo (1034-1102) qui concentrait sa transmission sur les enseignements exposés par le mahasiddha indien Virupa.

La tradition gelug (ou ganden) a été établie par Tsongkhapa (1357-1419) qui insistait sur les enseignements de l’école kadampa fondée au Tibet par le maître indien Atisha (982-1054).

Marpa Lotsawa, le père de la lignée Kagyu

La Lignée Kagyü

La lignée kagyü arrive avec le grand yogi Tilopa qui vivait dans le Nord de l’Inde, autour du 10e siècle ap. J.-C. Tilopa reçut les quatre transmissions spéciales (tib. bka-babs-bzi) et les maîtrisa.

Bien qu’il y ait quelques désaccords dans les sources historiques au sujet des identités des maîtres associés à chacune des quatre transmissions, le consensus le plus général indique que leurs sources sont les suivantes. La première des quatre provenait de Nagarjuna et consiste en deux tantras, le « Tantra Sangwa Düpa » (s. Guhyasamaja) et le « Tantra Denshi » ; elle comprend également les pratiques appelées « Corps illusoire » (tib. sgyu-lus) et « Transfert » (tib. pho-ba). La seconde transmission spéciale provenait de Nakpopa et inclut le tantra appelé « Gyuma Chenmo » (s. Mahamaya) et la pratique appelée « Rêve Conscient » (tib. rmi-lam). La troisième transmission spéciale provenait de Lawapa et inclut le « Tantra Demchok » et la pratique de « Claire Lumière » (tib. od gsal). La quatrième a été transmise par Khandro Kalpa Zangmo et comprend le tantra connu sous le nom de « Gyepa Dorje » (s. Hevajra) et la pratique appelée « Tummo ».

Ces enseignements ont été transmis de Tilopa à Naropa et ont été systématisés en tant que les Six Yogas de Naropa qui sont considérés comme un thème central dans la lignée kagyü. Naropa a transmis son savoir à Marpa, le grand traducteur, qui voyagea du Tibet en Inde afin de recevoir des instructions et qui par la suite retourna au Tibet et répandit les enseignements du Dharma.

Son étudiant Milarépa devint l’un des grands yogis du Tibet. Grâce à sa persévérance dans la pratique du Mahamudra et des Six Yogas de Naropa, il atteignit une profonde réalisation de la nature ultime de la réalité.

La transmission de Milarépa fut mise en pratique par Gampopa, le médecin de Dhagpo. Il étudia premièrement la tradition kadampa, qui est une voie progressive qui inclut ce qu’on appelle les enseignements du Lam Rim. Il rencontra également Milarépa et atteignit la réalisation de la nature ultime de l’esprit sous sa direction. Il établit des institutions monastiques, enseignant considérablement le dharma et attira de nombreux étudiants. Quatre de ses disciples fondèrent les quatre principales écoles kagyü: Babrom Dharma Wangchuk fonda l’école babrom kagyü, Pagdru Dorje Gyalpo fonda l’école pagdru kagyü, Shang Tsalpa Tsondru Drag fonda l’école tsalpa kagyü et le Karmapa Düsum Khyenpa fonda l’école kamtsang kagyü, connue comme l’école karma kagyü.

C’est le premier Karmapa, Düsum Khyenpa, qui reçut de Gampopa la transmission complète du Mahamudra.

Les huit lignées kagyü mineures advinrent avec les huit disciples principaux de Pagdru Dorje Gyalpo. Ces huit lignées sont: taglung kagyü, trophu kagyü, drukpa kagyü, martsang kagyü, yerpa kagyü, yazang kagyü, shugseb kagyü et drikung kagyü.

Les différentes lignées kagyü ne sont pas désignées sous le nom de « mineur » ou « majeur » à cause des instructions qu’elles contiennent; sur ce plan, elles sont égales. Les quatre lignées majeures sont connues comme majeures parce qu’elles proviennent de Gampopa lui-même, tandis que les huit lignées mineures proviennent d’une génération ultérieure de maîtres. De nos jours, des quatre lignées kagyü majeures, seule la karma kagyü reste répandue. Parmi les huit lignées kagyü mineures, seule les taglung, drukpa et drikung kagyü existent encore comme lignées indépendantes.

Nous pouvons distinguer plusieurs transmissions à l’intérieur de chaque lignée. Toutefois, toutes les traditions bouddhistes au Tibet ont une lignée des voeux de Pratimoksha et une lignée des voeux de Bodhisattva.

« La guirlande dorée kagyü » renvoie aux maîtres qui sont les détenteurs de la lignée dans laquelle le Mahamudra est un sujet principal. Ce sont les maîtres indiens de la lignée, les réincarnations successives des Karmapa et leurs disciples les plus importants qui lui ont donné la transmission. Les détenteurs de la lignée sont sélectionnés par le Karmapa lui-même qui s’assure que les enseignements restent intacts et purs.

Le Karmapa choisit toujours lui-même l’enseignant qui va transmettre la lignée à sa future incarnation. C’est un grand bodhisattva qui a la capacité de percevoir la réalisation et les qualités des autres. C’est grâce à cette habileté qu’il choisit son propre guru. Il n’y a pas de règle fixe qui détermine l’enseignant à l’avance. Dans certains cas, les détenteurs de la lignées sont des réincarnations éminentes et, dans d’autres cas, des pratiquants exceptionnels sans statut élevé dans la hiérarchie religieuse.

Un autre aspect de la lignée karma kagyü est constitué par les directeurs intérimaires de l’administration qui sont les gardiens des monastères du Karmapa entre ses réincarnations. Ces gardiens ne sont pas des détenteurs de la lignée. Par exemple, le 14e Karmapa, Thegchog Dorje, installa le chef de la lignée drugpa kagyü, le 9e Drugchen Mipham Chökyi Gyamtso (connu aussi sous le nom de Mingyur Wangi Gyalpo) comme directeur intérimaire de l’administration. Le 16e Karmapa, en accord avec la législation indienne, a mis en place une corporation légale, la Société de Charité du Karmapa (Karmapa Charitable Trust), dont il a désigné le conseil d’administration.